La Chine, ce complexe eldorado du e-commerce

Pour Stéphane Rouquette, au niveau réglementaire et douanier, "la tendance actuelle est plutôt favorable au e-commerce cross-border".

by Azoya

La source: L'Express L'Expansion, Jun 24


Avec son marché digital faramineux et son grand appétit des produits étrangers, la Chine fait rêver les vendeurs en ligne. Mais construire une stratégie d'e-commerce transfrontalier, ou cross-border, en direction de ce pays, demande une excellente connaissance de ces spécificités et une stratégie solide.

La Chine est de loin le leader mondial du e-commerce. Selon le spécialiste des études de marché eMarketer, les ventes en ligne ont atteint dans le pays 900 milliards de dollars en 2016, soit... près de la moitié du e-commerce mondial. En 2018, elles devraient s'élever à plus de 1500 milliards. Les croissances annuelles à deux chiffres sont la norme, tirées par le double boom des classes moyennes et de l'accès à internet. Et la marge de progression reste immense: pour l'instant, moins d'un tiers des habitants achète en ligne.

Parmi ces achats, une part croissante se fait hors des frontières. Toujours selon eMarketer, 181 millions de Chinois (40% des e-shoppers du pays) ont fait au moins un achat en ligne à un vendeur étranger en 2016. Ils pourraient être 292 millions en 2020. Un tel marché a de quoi faire rêver. Mais la Chine est-elle vraiment un eldorado du e-commerce transfrontalier? Un vendeur français, européen, peut-il vraiment s'y implanter?

Le prix, la disponibilité, la qualité

D'abord, il faut comprendre les motivations du consommateur chinois à se tourner vers un vendeur étranger. Trois raisons dominent. En premier lieu, la disponibilité des biens: nombre de produits occidentaux, dont les classes moyennes sont friandes, ne sont pas vendus sur place.

Ensuite, le prix. "C'est un marché très tiré par le prix, indique Stéphane Rouquette, référent pour la France d'Azoya, une société qui développe des sites web d'e-commerce cross-border vers la Chine (avec des clients comme La Redoute, 1001pharmacies.com...). Si un produit français est vendu 100 en Chine, mais 50 ici, plus 10 de livraison, beaucoup de consommateurs le feront venir de France, quitte à attendre un peu plus longtemps."

Enfin, la qualité. Depuis le scandale du lait de vache frelaté en 2008, la question est devenue sensible. Et nombre de Chinois préfèrent acheter certains types de produits à l'étranger, là où leur authenticité et leur traçabilité est garantie. A l'aune de ces trois critères, certaines familles de produits français ont plus de potentiel que d'autres: parapharmacie, cosmétique, alimentation et épicerie fine, mode...

Les réputations se font et se défont très vite

Encore faut-il saisir les spécificités du marché chinois. "Culturellement, les Chinois ne font pas du shopping en ligne comme nous, explique Stéphane Rouquette. D'une part, ils utilisent beaucoup plus le mobile. D'autre part, ils accordent beaucoup d'importance aux photos, aux réseaux sociaux, à la recommandation. N'allez pas leur envoyer une newsletter, ils ne l'ouvriront même pas! Pour aborder ce marché, il faut remettre à zéro tout ce qu'on maîtrise dans le monde occidental."

En Chine, la réputation d'un e-commerçant peut se faire très vite... mais aussi se défaire. "Si l'expérience est positive, les consommateurs n'hésiteront pas à le faire savoir dans leur réseau, sur des sites spécialisés, etc, poursuit le spécialiste. Mais ils feront de même si elle est négative... Tout peut aller très vite, dans les deux sens." D'où l'importance de tenir ses promesses, et de soigner l'expérience client et le service après-vente.

Site web ou marketplace ?

Pour Stéphane Rouquette, au niveau réglementaire et douanier, "la tendance actuelle est plutôt favorable au e-commerce cross-border". Mais parvenir à prendre pied sur ce marché immense demande dans tous les cas une vraie stratégie. "Développer son site seul dans son coin, c'est l'échec assuré. Après, il faut étudier les différentes propositions de valeur, entre avoir recours à une société comme la nôtre, et passer par une place de marché comme Alibaba [qui opère Tmall, plateforme leader en Chine] ou JD.com, où figurer en bonne place se paie très cher. Tout dépend du type de produits vendus, de la notoriété, de si vous êtes une marque ou un distributeur... C'est du cas par cas, et cela peut être très complexe." La Chine, un eldorado? Oui - mais y accéder n'est pas donné au premier venu.